Rudyard Kipling (1865-1936)

Rudyard Kipling (1865-1936)

Le Frère Rudyard Kipling est né le 30 décembre 1865 à Bombay. Après une enfance partagée entre les Indes et l’Angleterre, il reçoit la lumière maçonnique dans la loge Hope and Perseverance no 782 aux Indes, le 5 avril 1886. Une dispense du Grand Maître du District du Pendjab lui permet d’être initié avant l’âge de 21 ans. Le 6 janvier 1886, il est élevé au degré de maître et, en janvier 1887, il devient le secrétaire de sa loge.

Il porte témoignage à sa loge par ces mots: «[…] J’ai été Secrétaire, durant quelques années, de la loge Hope and Perseverance No. 782, de Constitution anglaise, qui comptait des Frères d’au moins quatre systèmes de croyance. J’ai été admis par un membre du Brahmo Samaj (un Hindou), passé par un Mahométan, et élevé par un Anglais. Notre Tuileur était un Juif indien. Nous nous rencontrions, bien sûr, sur le niveau […]»

Il reçoit le degré de Maitre Maçon de Marque dans la loge de MarqueFidélité no 98. Kipling reçoit le prix Nobel en 1907. L’année suivante, il entre à la Societas Rosicrucian in Anglia. Il aura une vie maçonnique féconde et sera affilié à plusieurs loges avant sa mort à Londres en 1936. Parmi ses oeuvres maçonniques, on retrouve les poèmes My New-Cut-Ashlar (Ma pierre cubique) et The Mother Lodge (La Loge Mère). Parmi ses oeuvres en prose, la plus connue est indéniablement The Jungle Book (Le Livre de la Jungle).

Le poème If (1910), s’il ne fait pas appel au symbolisme maçonnique, s’inspire incontestablement des plus grands principes et vertus de l’Art Royal et constitue le fruit d’une vie maçonnique fertile et dévouée. Il constitue sans conteste son poème le plus célèbre.

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Traduction par André Maurois

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser le rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.

La Loge-Mère

Il y avait Rundle, le chef de gare,
Beazelay, des voies et travaux,
Ackman, de l’intendance,
Donkin, de la prison,
Et Blake, le sergent instructeur,
Qui fut deux fois notre Vénérable,
Et aussi le vieux Franjee Eduljee,
Qui tenait le magasin “Aux Denrées Européennes”.

Dehors, on se disait : «Sergent!, Monsieur!, Salut!, Salaam!»,
Dedans, c’était «Mon Frère», et c’était très bien ainsi.
Nous nous rencontrions sur le Niveau et nous nous quittions sur l’Equerre,
Moi, j’étais Second Diacre dans ma Loge-Mère, là-bas!

Il y avait encore Bola Nath, le comptable,
Saül, le Juif d’Aden,
Din Mohammed, du bureau du cadastre,
Le sieur Chuckerbutty,
Amir Singh, le Sikh,
Et Castro, des ateliers de réparation,
Le Catholique romain !

Nos décors n’étaient pas riches,
Notre temple était vieux et dénudé,
Mais nous connaissions les anciens landmarks
Et les observions scrupuleusement.
Quand je jette un regard en arrière,
Cette pensée souvent me revient à l’esprit :
Au fond, il n’y a pas d’incrédules,
Si ce n’est peut-être nous-mêmes!

Car tous les mois, après la tenue,
Nous nous réunissions pour fumer
(Nous n’osions pas faire de banquets
de peur d’enfreindre la règle de caste de certains frères)
Et nous causions à coeur ouvert de religions
Et d’autres choses
Chacun de nous se rapportant
Au Dieu qu’il connaissait le mieux.

L’un après l’autre, les Frères prenaient la parole
Et aucun ne s’agitait.
Jusqu’à ce que l’aurore réveille les perroquets
Et le maudit oiseau porte-fièvre;
Comme après tant de paroles,
Nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes.

Bien souvent depuis lors,
Mes pas errants au service du gouvernement,
Ont porté le salut fraternel
De l’Orient à l’Occident
Comme cela nous est recommandé,
De Kohel à Singapour.
Mais comme je voudrais les revoir tous
Ceux de ma Loge-Mère, là-bas !
Comme je voudrais les revoir,
Mes Frères noirs ou bruns,
Et sentir le parfum des cigares indigènes
Pendant que circule l’allumeur,
Et que le vieux limonadier
Ronfle sur le plancher de l’office,
Et me fait retrouver Parfait Maçon
Une fois encore dans ma Loge d’autrefois.

Dehors, on se disait : «Sergent!, Monsieur!, Salut!, Salaam!»
Dedans, c’était : «Mon Frère», et c’était très bien ainsi.
Nous nous rencontrions sur le Niveau et nous nous quittions sur l’Equerre,
Moi, j’étais Second Diacre dans ma Loge-Mère, là-bas!

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