Pose de la pierre angulaire du Temple

(Laying of the corner stone of the Temple)

Traduction par le F:. G. Chiniara

L’article qui suit est une traduction de l’article original anglais paru le jeudi 8 août 1861 dans le Quebec Mercury.

Quebec Mercury


MARDI, 8 AOÛT 1861.


LE MASONIC HALL.

Pose de la Pierre Angulaire

Les Franc-Maçons de Québec ont organisé un somptueux festival ce mardi, à l’occasion de la pose de la pierre angulaire du nouveau bâtiment—requis pour loger le nombre sans cesse croissant de leurs membres,—en cours de construction par la Masonic Hall Association sur la rue St-Louis.

À trois heures de l’après-midi, les membres de l’Ordre, en provenance de tous les horizons, se rassemblèrent au Temperance Hall, en réponse à l’appel du Grand Maître. La Grande Loge ayant été dûment ouverte selon l’ancienne forme, le Grand Maître Provincial annonça à la Grande Loge et aux Frères réunis qu’il avait accepté une invitation du comité du Masonic Hall afin de poser la pierre angulaire de ce bâtiment, et, comme ce devoir était dévolu à la fraternité maçonnique depuis des temps immémoriaux, il avait convoqué la Grande Loge pour l’assister dans l’exécution de la cérémonie. Les frères, arborant tenue maçonnique complète, s’avancèrent et le Grand Maître des Cérémonies les rassembla selon l’ordre protocolaire. Un nombre important de citoyens afflua sur la Rue St-François pour observer le rassemblement de l’Ordre et la foule, se précipitant le long de la batterie St-Charles, près de la porte Hope, au rythme de marche entamé par la fanfare au signal des maîtres des cérémonies, était telle qu’elle entravait presque le défilé.

La route choisie pour la procession était comme suit;—descendant la rue St-François, le long des Remparts St-Charles jusqu’à la Grande Batterie, puis passé l’édifice du Parlement et le Palais de l’Archevêque, remontant la rue du Fort, devant le Château [Frontenac], puis la rue Des Carrières jusqu’au Jardin du Gouvernement, remontant ensuite la rue du Mont Carmel puis tournant sur Haldimand pour redescendre vers le Masonic Hall.

Pour illustrer la longueur de la procession, on peut mentionner que les rangs de front étaient déjà près du Monument, lors même que ceux qui fermaient la marche quittaient la Grande Batterie. Le nombre de Maçons présents s’élevait à environ quatre cents.

ORDRE DE PROCESSION.

Deux policiers.

Frère J. Knowles,….
” W. O’Neil (Tuileurs)
La FANFARE du 60e Régiment d’infanterie de Sa Majesté

Quatre Policiers.

Frères non membres des Loges.

LOGES.

Loge Civil Service, Registre du Canada.
Loge Alma, 931, Registre d’Angleterre.
Loge Harington, 49, Registre du Canada.
Loge St. Andrew, 356, Registre d’Écosse.
Loge St. John, 214, Registre d’Angleterre.
Loge Albion, 17, Registre d’Angleterre.

ARCHITECTE

Avec les Plans.

V.F. W. Miller avec une Amphore de Maïs
V.F. S.J. Dawson avec une Amphore de Vin.
V.F. Alex Fraser avec une Amphore d’Huile.

F. C. McKenzie, Grand Poursuivant Provincial.
F. L. A. Desrochers, Grand Organiste Provincial.
F. G. T. Cary, Grand Maître des Cérémonies Adjoint.
F. J. F. Turnbull, Grand Maître des Cérémonies.
F. N. H. Bowen, P. Grand Surintendant des Travaux, avec la plaque.
Passés Grands Porte-Glaive Provinciaux,
Passés Grands Diacres Provinciaux.
B.V. Frère Geo. Veasey, P. G. Secrétaire, avec le Livre de la Constitution.
Passé Grand Registraire Provincial.
B.V. Frère R. H. Smith, Grand Registraire Provincial, avec le sac.
B.V. Frère Weston Hunt, Grand Trésorier Provincial, portant la fiole avec les Pièces.
Passés Grands Surveillants Provinciaux.

VISITEURS DE DISTINCTION.

Vénérable Frère T. J. Reeve, portant la Lumière Corinthienne.
Vénérable Frère Geo. Irvine, portant la Colonne du Grand Second Surveillant.
B. Vénérable Frère C. H E. Tilstone, Grand Second Surveillant, avec la Règle à Plomb.
F. J. Scott, Grand Porte-Étendard Provincial.

BANNIÈRE DE LA GRANDE LOGE PROVINCIALE,

Supportée par les Grands Intendants.

Vénérable Frère A. F. A. Knight, portant la Lumière Dorique.
Vénérable Frère Joseph White, portant la lumière du Grand Premier Surveillant.
B. Vénérable Frère John Shaw, G. P. S. avec le Niveau.
Frère G. Smith, le Grand Second Diacre.
Rév. & T.V.F. W. A. Adamson, D.C-L.,
Grand Chapelain, avec le Volume de la Loi Sacrée,
T. Vénérable F. H. P. Leggatt, Député Grand Maître, avec l’Équerre.
T.V. Frère John Soles Bowen, avec la lumière Ionique.
T.V. Frère W. Eadon, avec le Maillet.
B.V. Frère W. C. Adams, Grand Porte-Glaive.

Le Très Vénérable F. James Dean, Junior,

GRAND MAÎTRE PROVINCIAL,

Supporté par les Grands Intendants Provinciaux, à droite et à gauche.
Frère W. Spink, Grand Premier Diacre.

F. W. Wilkinson, Grand Tuileur Provincial.

n atteignant le site du nouvel édifice, la Fanfare s’installa à l’Ouest, et les frères ouvrirent leurs rangs et firent face vers l’intérieur pour permettre au Grand Maître et à ses officiers de passer dans leurs rangs, les frères restants se ralliant derrière lui, pour gravir la terrasse dans l’ordre inverse.

L’absence des principaux officiers de l’Ordre avait empêché la cérémonie de se tenir environ une semaine plus tôt, et les entrepreneurs, désireux de respecter fidèlement leurs engagements, avaient déjà élevé les murs de division à environ sept ou huit pieds au-dessus du premier étage. Cette circonstance avait grandement réduit l’espace disponible pour la cérémonie, et les places des visiteurs étaient donc également limitées; ainsi, quelques heures avant la procession, on ignorait toujours le nombre de personnes pouvant s’asseoir sur les sièges réservés aux femmes. Le Vénérable Frère Miller, Passé Grand Premier Surveillant Provincial, et le Frère St. Hill, Passé Grand Poursuivant, qui avaient été nommés au Comité d’Organisation, étaient déjà, dès les lueurs de l’aube, occupés à décorer les murs et à retirer le matériel, et ainsi de suite, pour créer l’espace nécessaire à l’événement de l’après-midi. Messieurs Peters, Entrepreneurs, pouvaient être vus en train de diriger les travaux et, bien avant l’heure où les loges furent convoquées, le nouveau bâtiment était déjà splendidement aménagé pour l’occasion. Tout le sous-sol donnant sur la rue St-Louis avait été recouvert d’un plancher, et des sièges se superposant comme dans un amphithéâtre s’étendaient sur deux façades de l’immeuble. Disposé contre le centre du mur de division, avait été érigé un magnifique pavillon destiné à Lady Head et à sa famille, surmonté de l’étendard Royal de Grande Bretagne et d’Irlande et recouvert de drapeaux. Sur une petite élévation à gauche de la pierre angulaire, contre le mur de l’est, se dressait une estrade entourée de quelques sièges, alors qu’à l’extérieur, le long des murs des bâtiments faisant face sur les rues St-Louis et Des Jardins, s’élevait une plate-forme égale en largeur au tiers de la rue, bordée de branches vertes et ceinte du drapeau d’Angleterre.

Bien avant l’heure désignée, les sièges dans l’enceinte du bâtiment (auxquels on accédait à l’aide de billets émis par le Comité d’Organisation) étaient occupés par des dames élégamment vêtues, animant joyeusement l’intérieur du site. La voiture du Gouverneur Général arriva quelques minutes avant le début des cérémonies, amenant Lady Head et Mlle Head ainsi que Mlle Lefebvre, accompagnée du Col. Irvine, A.D.C., qui prirent place dans le pavillon déjà mentionné.

Le temps avait été plutôt nuageux en après-midi, et quelques gouttes de pluie tombèrent vers treize heures, mais ne réussirent pas à disperser la multitude rassemblée. Cependant, dès que le son de la musique annonça l’imminence de la procession, les cieux s’éclaircirent, le soleil brilla ardemment et le temps se maintint extrêmement favorable durant toute la cérémonie.

Le T.V.F. James Dean, junior, G.M.P., pris sa place sur la tribune et s’adressa aux spectateurs avec ces mots:—

«Hommes, Femmes et enfants, assemblés ici aujourd’hui, pour assister à cette cérémonie, sachez tous que nous sommes des Maçons fidèles aux lois de notre pays, et professant de craindre Dieu qui est le Grand Architecte de toute chose, de fournir entraide à nos frères, et de pratiquer la bienfaisance universelle envers tout le genre humain. Nous avons en notre sein, dissimulés aux yeux de tous les hommes, des secrets qui ne peuvent être dévoilés et que nul homme n’a découvert. Mais ces secrets sont licites et honorables et sont conservés en sûreté par les Maçons qui, seuls, en ont la garde jusqu’à la fin des temps. Si notre Art n’avait été bon et notre vocation honorable, nous n’aurions pas survécu de si longs siècles, ni n’aurions eu, dans nos rangs, de frères si illustres, toujours prêts à sanctionner nos tenues et à contribuer à notre prospérité. Aujourd’hui, nous sommes assemblés devant vous tous pour bâtir une maison à la Maçonnerie, pour laquelle nous implorons Dieu de la rendre prospère, si cela Lui semble bon, et qu’elle devienne la maison d’hommes dignes et grands qui pratiqueront la bienfaisance et promouvront l’harmonie et l’amour fraternel jusqu’au déclin du monde. Nous allons maintenant procéder à la cérémonie, et notre révérend Chapelain invoquera la bénédiction sur nos travaux. »

Le B.V.F. Adamson, Grand Chapelain, entama ensuite la prière suivante:—

«Grand Architecte de l’Univers, Créateur et Souverain de tous les Mondes, daigne, de Ton Temple céleste, de Ton Royaume de lumière et de gloire, procurer ton assistance à notre assemblée. Nous T’invoquons humblement pour T’implorer de nous donner, aujourd’hui et pour toujours, sagesse dans toutes nos entreprises et force d’esprit dans toutes nos communications. Permets-nous, Oh! Toi, l’Auteur de la vie et de la lumière, grande source d’amour et de bonheur, d’ériger ce bâtiment afin qu’il serve, dorénavant, aux desseins importants pour lesquels il est destiné.

«Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

«Tel qu’il était au commencement, est maintenant et sera à jamais, un monde sans fin. Amen. Ainsi soit-il».

Le G.P. Superintendant des Travaux, V.F. N. H. Bowen, enchaîna avec la lecture de l’inscription de la plaque sur le point d’être déposée au creux de la pierre :

Annuente Deo Optime Maximo
Imperii Victoriæ
Reginæ Nostræ delectissimæ
Anno XXIV,
Æræ Architectonicæ
VMDCCCLXI,
Hune primum lapidem
Aulæ Architectonicæ Quebecensis,
posuit:
Jacobus Dean, Junior,
In Architectonica apud Anglos Republica
Curio Maximus Provincialis
Aulæ Architectonicæ Societatis
Praeses:
Adstante et plaudente Magna Caterva
Fratrum, Civiumque,
Architecto—Edouardo Staveley;
Ædificatoribus—S. & C. Peters.
Q. F. F. Q. S.

Directors:—
James Dean, Junior, P.G.M., President.
Wm. Eadon, P.P.S.G.W., Vice President.
George Veasey, P.G. Secy., Treasurer.
George Thompson, P.P.D.G.M.
Weston Hunt, P.G. Treasr.
Simeon Lelievre.
Saml. J. Dawson, P.P.G.G.W.
Hy. P. Leggatt, D.P.G.M, Secretary.

a plaque, ainsi qu’un certain nombre de pièces de monnaie, comprenant des exemplaires de toutes les pièces anglaises, américaines et canadiennes en or, argent et cuivre, de même qu’une liste des Officiers de la Grande Loge Provincial et des copies des articles des journaux Mercury, Chronicle et Gazette faisant allusion à la cérémonie furent déposées au creux de la pierre.

À la demande du T.V.F. Harington, le Grand Maître Provincial ordonna aussi le dépôt d’une liste des Officiers de la Grande Loge du Canada, ainsi qu’une notice nécrologique de feu le T.V. Frère T. G. Ridout de Toronto, récemment décédé.

La pierre de fondation du vieil édifice, portant l’inscription «Posé le 5 juin 1731,» [en français dans le texte], fut posée à côté de la pierre angulaire.

Le T. Vénérable Grand Maître saisit la truelle et descendit de la plate-forme, le Député Grand Maître à sa droite et les Grands Surveillants le précédant. Puis, debout à l’orient, le Député à sa gauche et les Grands Surveillants lui faisant face à l’occident, il étendit le ciment sur la pierre du bas. La pierre supérieure fut ensuite lentement abaissée en place, avec trois arrêts réguliers, la Fanfare jouant une marche lente.

Puis le cérémonial suivant eut lieu.

Grand Maître— Très Vénérable Député Grand Maître. Vous allez maintenant ordonner l’application des différents instruments sur la pierre, afin qu’elle soit posée en son lit selon les règles de l’architecture.

Le Député Grand Maître ordonna au Grand Second Surveillant d’appliquer la règle à plomb, et au Grand Premier Surveillant le niveau, après quoi il appliqua l’équerre et s’inclina devant le Grand Maître.

Grand Maître— Très Vénérable Grand Second Surveillant, quel est le bijou de votre office?

G S S— La règle à plomb.

G M— Avez-vous appliqué la règle à plomb aux différentes arêtes de la pierre?

J G W.— Oui, et les ouvriers ont fait leur devoir.

G M.— T V G P S. Quel est le bijou de votre office?

G P S.— Le niveau.

G M.— Avez-vous appliqué le niveau au sommet de la pierre?

S G W.— Oui, et les ouvriers ont fait leur devoir.

G M.— T V D G M., Quel est le bijou de votre office?

D G M.— L’équerre.

G. M.— Avez-vous appliqué l’équerre aux parties de la pierre qui doivent être équarries?

D G M.— Oui, et les ouvriers ont fait leur devoir.

G. M.— Ayant maintenant, T.V. frères, une confiance totale en vos compétences dans notre Art, il m’incombe d’achever notre travail.

Puis, se dirigeant vers la pierre et donnant trois coups de maillet, il dit—«Bien formée et parfaitement posée, puisse cette entreprise être conduite et achevée par les ouvriers selon le grand plan, dans la Paix, l’Harmonie, et l’Amour fraternel.»

La corne d’abondance et les amphores contenant maïs, vin et huile furent passées au Grand Maître qui versa le contenu de chacune sur la pierre, pour le rafraîchissement des ouvriers.

Le Grand Chapelain énonça alors la prière suivante—«Que Dieu soit clément envers nous et nous bénisse, et qu’Il nous montre la lumière de Son visage et nous bénisse. Que le Seigneur éleve la lumière de Son visage, et nous donne la paix maintenant et à jamais. Amen.»

La Fanfare se mit à jouer—God Save the Queen.

Le chemin de retour passa par la rue St-Louis, descendant l’Esplanade, par les rues St-Jean et Couillard jusqu’au Hall où les frères ajournèrent les travaux à dix-sept heures et quart pour se rassembler au Banquet.

Parmi les visiteurs se trouvaient B.V.F. C. P. Ladd, P.M; V.F. Geo. Nunn, V.M.; F. J. R. Spong, Secrétaire; J. M. Desjardins, P.S., tous de la loge St-George à Montréal; les frères R. H. Stevens, V.M.; W. Easton, M. des C.; et E. P. Henneford, S. S. de la loge St-Lawrence, à Montréal, deux délégations. Aussi, le V.F. C. Cope, de la Grande Loge de New York, et F. Commodore Stewart, U. S.; les frères J. Reynar, V.M., et G. H. Macaulay, de la loge Shawinegan, Trois-Rivères, et d’autres.

La truelle utilisée par le Grand Maître Provincial pour étendre le ciment sur la pierre angulaire était d’argent, fabriquée par M. Poulin de la rue St-Jean, une pièce exquise d’artisanat. Elle fut présentée expressément au Grand Maître Provincial pour l’occasion par les entrepreneurs MM. S & C Peters; elle portait sur sa face l’inscription suivante:— «Cette Truelle fut utilisée pour la pose de la pierre angulaire du Quebec Masonic Hall; 6 août 1861.» Sur la face arrière se trouvaient ces mots:— «Présentée à James Dean Junior, Très Vénérable Grand Maître Provincial des Francs-Maçons anglais, et Président de la Quebec Masonic Hall Association, par S. & C. Peters, Entrepreneurs.» La truelle se trouvait dans un magnifique coffret, tapissé de velours pourpre et de satin blanc.

LE BANQUET CHEZ RUSSELL’S.

e Banquet au Russell’s Concert Hall, annexé à l’hôtel, était, dans toutes les acceptions du terme, un succès incontestable. Frère Willis Russel avait épuisé ses provisions de mets et de vin pour subvenir à la compagnie et, lorsque les membres de la Grande Loge se réunirent à vingt heures, ils trouvèrent les tables recouvertes de tout ce que le palais le plus fin pouvait désirer. Frère Russell, dont la réputation en telles affaires était bien établie, se surpassa pour satisfaire ses frères du lien mystique, et emportées étaient les louanges de tous ceux qui eurent le plaisir de goûter aux délicatesses qu’il avait étalées devant eux.

Quand le Très Vénérable Grand Maître de Québec et Trois-Rivières, Frère Dean pris place sur le siège du Vénérable, le nombre de frères présents s’élevait à environ deux cents, incluant de multiples visiteurs. À la droite du T.V. G.M. s’assit le Plus Vénérable Grand Maître de la Grande Loge du Canada, le Frère Harington et, à la gauche du siège du Vénérable prit place le Très Vénérable Frère Joseph Gundry, Grand Maître Provincial de Dorset, Angleterre, actuellement en visite au Canada. Le Très Vénérable Frère H. P. Leggatt, Député Grand Maître Provincial, le Bien Vénérable Frère Adamson, Grand Chapelain Provincial, et les invités de Montréal et d’autres villes occupèrent une place importante près du vénérable. Les sièges secondaires étaient occupés par le Très Vénérable Frère Geo. Thompson, Passé Député Grand Maître Provincial, le B.V.F. John Snow, Grand Premier Surveillant, le B.V.F. C. H. E. Tilstone, Grand Second Surveillant et le B.V.F. J. Gillespie, P.G. Trésorier.

Les tables étaient ornées, avec goût, d’innombrables bouquets des fleurs les plus fines et, entourées des Frères en costume maçonnique, elles faisaient de la salle l’une des scènes les plus éblouissantes que le Québec ait jamais vu.

Une fois les viandes terminées, le Grand Maître appela les Frères à l’ordre par trois coups de maillet.

Le Grand Maître entama la liste des toasts avec la «Reine et l’Art Royal», toast qui fut bu avec les honneurs d’usage, pendant que l’hymne national était entonné d’une voix magistrale par le F. N. H. Bowen.

«La Grande Loge d’Angleterre» fut ensuite proposée du siège du vénérable, le Grand Maître lui adjoignant le nom du T.V. F. Joseph Gundry, Grand Maître Provincial du Comté de Dorset, en Angleterre, qui eut l’amabilité d’assister à la cérémonie et qui honorait la soirée de sa présence. Quelle que soit l’opinion élevée (affirma le T.V. Grand Maître) qu’aient les maçons de Québec des autres Grandes Loges, ils n’auront de cesse de se rappeler que c’est à la loge mère d’Angleterre que la fraternité, si prospère ici, doit son existence.

Les toasts furent bus avec les honneurs coutumiers.

Le T.V.F. Gundry retourna les remerciements au nom de la Grande Loge d’Angleterre. Faisant allusion aux différends qui avait séparé la Grande Loge d’Angleterre des loges du Haut-Canada, il dit avoir plaisir à penser qu’ils étaient maintenant surmontés et que la fraternité était derechef cimentée par les liens de l’unité et de l’amitié avec la loge mère. (Acclamations.) Il lui semblait inutile de s’attarder aux avantages de la Franc-Maçonnerie, ses principes libéraux et les bénéfices qu’elle accordait à tout homme qui avait le bonheur d’en faire partie, que sa position soit élevée ou basse. On lui avait bien démontré certains de ces avantages dans l’hospitalité authentique et généreuse dont on avait fait preuve à son égard comme membre modeste de l’Ordre alors qu’il était un vagabond passager dans ce noble pays. La délicate attention que lui avaient témoigné les frères de chacune des Provinces britanniques était telle qu’il ne pouvait trouver les mots pour exprimer son appréciation. La cérémonie de la journée offrait une preuve suffisante des fondations solides sur lesquels l’Ordre prenait son assise au Québec, et il espérait revenir pour voir l’immeuble, débuté sous des auspices si heureux, occupé par ceux qui en avaient entrepris la construction. Il promis de communiquer à la Grande Loge d’Angleterre, aussi bien qu’il le pût, une idée de la considération dans laquelle on la tenait à Québec.

Frère G. H. Macaulay, obéissant à un appel du siège du Vénérable, entonna «The Red, White and Blue.» [Le Rouge, Blanc et Bleu]

Le T.V. G.M., en proposant le toast suivant «au Plus Vénérable Grand Maître et à la Grande Loge du Canada», fit référence, en des termes flatteurs, à la présence, à sa droite, de la tête dirigeante du corps maçonnique affilié à la Grande Loge du Canada. Le frère distingué n’était pas un étranger à la ville de Québec, puisque c’était de ses mains qu’il (le G.M.) avait reçu le troisième degré de la Franc-Maçonnerie quand ce premier était Grand Maître des Frères de ce district portant allégeance à l’Angleterre. Ce frère consacrait maintenant son grand zèle et ses connaissances à la Grande Loge du Canada qu’il présidait avec mérite actuellement; il assurait cependant le Frère Harington que ses services à l’Ordre au Québec seraient à jamais remémorées avec gratitude. Les frères de cette ville entretenaient les sentiments d’égards fraternels les plus vivaces envers ceux de la Grande Loge du Canada, mais ils n’auraient pour personne autant d’estime et de respect que pour le Grand Maître qui avait prêté son assistance aux Maçons de cette ville et qui leur rappelait par sa présence ici qu’il était encore un des leurs.

Le toast fut reçu avec le plus grand enthousiasme. Après que les honneurs eurent été donnés,

le P.V.F. Harington, qui fut accueilli par des séries répétées d’acclamations cordiales, annonça qu’il n’avait pas l’intention de faire un long discours puisqu’il croyait que de tels discours ne pouvaient que gâcher les bons soupers et la bonne camaraderie. L’accueil qu’on lui avait fait lui avait rappelé le temps révolu et les vieux visages qui l’entouraient lui rappelaient qu’il était de nouveau parmi ceux avec lesquels il avait passé maints jours heureux. Il était persuadé qu’il n’était pas en son pouvoir de remercier adéquatement pour les honneurs qui lui étaient conférés. Il ne désirait pas être accusé d’égoïsme, mais il pensait que les acclamations qui l’avaient accueilli n’étaient pas entièrement dues au fait qu’il était Grand Maître de la Grande Loge du Canada, mais aussi, dans une certaine mesure, comme un «ce n’est qu’un au revoir»—par amitié pour lui. Il savait que la Grande Loge du Canada considérait la Grande Loge d’Angleterre avec la plus chaleureuse affection, la reconnaissant comme le corps maçonnique le plus conservateur. Il souhaitait simplement que la Loge du Canada, qui n’était encore qu’à ses premiers balbutiements, puisse suivre les pas de la Grande Loge d’Angleterre. Il était vrai que le sang est plus épais que l’eau, et les Maçons sous la juridiction de la Loge du Canada n’allaient jamais oublier la loge mère; ils aimeraient toujours les maçons anglais et ceux qui adhéraient encore à leur registre; il ne pourrait y avoir de différends entre eux du fait de sentiments nationaux. Il avait rejoint la Grande Loge du Canada suivant des croyances et des convictions profondément ancrées et non par caprice; il concevait bien que l’affirmation de leur indépendance était le meilleur pas que pussent prendre les loges canadiennes. La Grande Loge du Canada entretenait des sentiments amicaux envers les loges du Bas-Canada sous la juridiction anglaise. Elle le considérait comme un passé grand maître sous la Grande Loge d’Angleterre, et son élévation à la tête de l’organisme nouvellement créé était due, croyait-il, à la position élevée qu’il avait détenue sous la Grande Loge d’Angleterre. Que Dieu bénisse la Grande Loge d’Angleterre serait toujours sa prière. Il espérait qu’aucun conflit ne surgirait jamais entre les corps respectifs; il s’engagea comme homme et comme maçon à supporter toutes les mesures visant à conserver l’harmonie de ces différents corps, tout en faisant progresser la prospérité de la Grande Loge de Québec et Trois-Rivières. La Grande Loge du Canada avait évidemment pris position et ne pouvait se désister, mais elle garderait toujours la main droite tendue vers les maçons anglais en témoignage d’amitié. Il réitéra ses remerciements pour l’accueil chaleureux et la manière enthousiaste avec laquelle on avait bu à sa santé, et conclut en proposant de boire «à la santé du T.V. Grand Maître Provincial, F. Dean, et au succès de la Grande Loge de Québec et de Trois-Rivières.»

Le toast fut but par les frères présents, et le T.V. Frère Dean répliqua. Le Grand Maître du Canada avait exprimé l’espoir que les loges toujours sous le registre de l’Angleterre fussent un jour inscrites au registre canadien, mais lui [F Dean] n’escomptait pas voir ce jour; de son vivant, il se présenterait toujours comme maçon anglais, et il espérait que tant qu’il y aurait un nombre suffisant de Maçons au Québec pour former une loge, l’allégeance à l’Angleterre survivrait. [Acclamations.]

Le B.V.F. Adamson, Grand Chapelain, proposa le toast suivant, à la demande du vénérable. Il approuva l’opinion selon laquelle les longs discours étaient déplacés en de telles occasions, bien qu’il puisse, par moments, prêcher un long sermon. Il était ravi de voir les frères s’amuser, et la vue de tant de visages enjoués autour de lui de même que les événements de la journée lui avaient rappelé une remarque entendue durant une excursion récente. Lors d’une conversation avec un pêcheur du Bas St-Laurent, il s’était enquit des dernières nouvelles, et s’était entendu répondre que «le gros vaisseaux était passé avec sept régiments d’infanterie, deux régiments de cavalerie et 100 fusils Armstrong.» Ayant demandé à l’homme ce qu’il en pensait, il lui avait été répondu, «Je pensais, en vérité, que c’était Terre-Neuve qui remontait le cours de la rivière.» Cette expression pouvait servir à exprimer l’étendue de sa surprise en voyant tant de frères rassemblés ce soir. Quand il arriva à la salle du banquet et qu’il vit les tables entourées d’une foule si nombreuse et respectable, il pensa un moment que Terre-Neuve était effectivement venu à Québec. Mais ce n’était pas Terre-Neuve, puisque, dans la compagnie, il avait remarqué le vieux frère Harington, les frères Smith, Nickinson, St. Hill, et d’autres visages familiers. L’Ordre avait effectué du bon travail ce jour et il espérait que les bénédictions de Dieu l’accompagneraient. Ils avaient posé la pierre angulaire d’un édifice qui serait un monument durable de leur libéralité, de leur charité et de leur tolérance envers tous. Ces frères qui étaient venus du vieux pays savaient comme les églises vénérables et autres reliques de l’antiquité touchaient leurs sentiments, comme elles leur rappelaient les bonnes qualités de leurs ancêtres, comme elles leur inculquaient une noble idée de leur dévotion et de leur bienfaisance. L’édifice entamé ce jour leur enseignerait l’amour fraternel, la paix, la fraternité et l’honnêteté. En mentionnant le mot honnêteté, il se rappela comment, étant entré aujourd’hui, en compagnie du Grand Maître, dans la boutique de l’un des hommes d’affaire les plus astucieux de la ville, il lui demanda son opinion sur la procession. Son interlocuteur, qui n’était pas maçon, rétorqua: «Cela fait trente ans que je suis à Québec et je n’ai jamais vu, avant ce jour, un tel rassemblement d’hommes honnêtes.» Il souhaita «le succès au Masonic Hall et la prospérité à la Maçonnerie à Québec».

Le toast ayant été dûment honoré, le Vénérable Frère Eadon, Vice-Président de la Quebec Masonic Hall Association, prit la parole. Il déclara être fier des cérémonies de cette journée et, en tant qu’un des plus vieux maçons à Québec, il se réjouissait que la Fraternité était sur le point d’avoir un lieu d’habitation de même qu’un nom dans cette cité. Il espérait que les frères poursuivraient leurs actes de générosité en achetant davantage d’actions du Hall pour que l’édifice demeure dans les mains de l’Ordre. Chaque frère qui professait des sentiments favorables à la prospérité de l’ordre devait se compter fier d’être actionnaire de l’Association. La Maçonnerie est bien ancrée à Québec et aucune preuve n’était nécessaire au-delà des cérémonies de la journée. Il ne doutait nullement que, hormis ses bénéfices pour l’Ordre, le Hall se révèle un investissement rentable et génère un surplus destiné aux fonds de charité de l’Institution dans ce district.

Frère Georges Smith chanta «The battle of Inkerman.» [La bataille d’Inkerman]

Le T.V. Président leva ensuite son verre «à nos invités et visiteurs», faisant allusion à la présence de frères d’Angleterre, des États-Unis, de l’Ouest canadien, de Montréal et de Trois-Rivières.

Le B.V. Frère Ladd, Passé Maître de la loge St-George, E.R., Montréal, retourna les remerciements. Dans la ville soeur, les Maçons étaient probablement, dit-il, plus nombreux qu’à Québec, mais il y avait le désir de cette unité et de cet enthousiasme qui étaient si évidents ici. Il désirait voir l’ordre à Montréal suivre l’excellent exemple donné par les Maçons de Québec en ce jour. Il était confiant que la bonne volonté et la camaraderie qui régnaient à présent entre les deux villes perdureraient, et que la Grande Loge de ce district et la Grande Loge du Canada continueraient éternellement à travailler harmonieusement ensemble. Les deux Grandes Loges partageaient un objectif commun, la fraternité du genre humain et la prospérité de la maçonnerie. Il espérait que les Maçons de Montréal pourrait un jour leur retourner le compliment qu’ils leur faisaient ce jour, en invitant les frères de Québec à effectuer un pareil devoir à Montréal. Frère G. H. Macaulay, de la loge Shawenigan, C.R., Trois-Rivières, retourna également les remerciements. Dans la ville d’où il venait, les frères avaient appris à apprécier les bienfaits de la franc-maçonnerie et rien ne pouvait autant faire impression sur leurs esprits que la splendide manifestation tenue ce jour par les Maçons de Québec. La fraternité de Trois-Rivières souhaitait ardemment vivre à l’équerre avec tous, mais, plus particulièrement, avec les maçons de Québec.

Le Grand Trésorier pro-tem, le F. James Gillespie, avec la permission du Grand Maître, proposa de boire à la santé du F. Kennedy, commandeur du «Grand Orient»**, dont il regrettait l’absence ce soir. Il était persuadé que si le départ du grand bateau avait pu être retardé, le Frère Kennedy n’aurait été que trop heureux d’assister au festival, en amenant plusieurs avec lui.

Le toast fut bu avec fortes acclamations, et fut suivi d’une chanson du V.F. Eadon, «We are all cutting our passage through this world.» [Nous nous frayons tous un chemin dans ce monde]

Le P.V.F. Harington proposa de boire à la «santé de la Grande Loge d’Écosse.»

Le T.V.F. J. S. Bowen, Passé Maître de la loge St-Andrew, 356, R. S., y fit écho.

Frère Hamburgher, d’Allemagne, exprima aussi ses remerciements, déclarant que la loge dans laquelle il avait été fait maçon était inscrite au registre d’Écosse, et qu’il était heureux d’avoir l’occasion, durant sa visite à Québec, de jouir de la compagnie de tant de frères.

Chanson du Frère Snaith —«I am an Englishman.» [Je suis un Anglais]

B.V.F. J. Shaw, Grand Premier Surveillant, proposa le toast suivant, «aux femmes des Maçons et à leurs enfants.»

Chanson du Frère Burgess, «The Irish Emigrant.» [L’émigré irlandais]

Le V. Frère Ladd proposa un toast «à la Cité de Québec. Puisse sa prospérité emboîter le pas à celle de Montréal.»

Le Grand Maître appela ensuite les frères à l’ordre et, peu avant minuit, ferma la Grande Loge. Les festivités se poursuivirent cependant bien avant dans la nuit, plusieurs toasts proposés ayant été bus, et il était presque deux heures du matin quand les frères se séparèrent, «Heureux de se réunir, désolés de se quitter, heureux de se retrouver.»

ue la cérémonie ait été exécutée avec brio était évident à tous ceux qui connaissaient la nature authentique et digne de confiance des frères à qui ce devoir avait échu. Probablement que la plus grande motivation qui pût être offerte, fut de présenter, à tous, les bénéfices que l’Ordre obtiendrait en faisant une apparition honorable devant le public de Québec, et cela eut sans nulle doute une influence favorable sur ceux qui oeuvrèrent à son succès. Les arrangements étaient en tout point complets, et la Fraternité peut défier quiconque d’organiser regroupement plus ordonné et plus respectable. Il est agréable de pouvoir ajouter que rien ne survint qui puisse entacher, de quelque façon que ce soit, la cérémonie du jour, et le seul regret fut que la cérémonie n’ait pu, étant donné le degré d’avancement des travaux sur l’immeuble, être différée jusqu’à l’arrivée du Grand Maître de France, le Prince Napoléon, afin qu’il puisse honorer de sa présence les frères de cette ville, et se joindre à eux dans leurs chants.

Salut, Maçonnerie divine!
Gloire des âges, brille de tous feux!
Puisse-tu régner à jamais :
Quels que soient les lieux qu’elles habitent,
Que tes loges aient grande autorité
Et qu’elles honorent le pays de leur présence.
Tu es divine!
Des structures monumentales sont érigées,
Et s’élèvent jusqu’aux cieux azurs;
Grandioses sont tes desseins;
Tes nobles Ordres sont
Sans pareil, au-delà du commun;
Aucun Art ne peut se comparer à toi;
Tu es divine!

Pour montrer l’intérêt que prenaient les Maçons, de quelque région que ce soit, dans tout ce qui concernait l’honneur de l’Ordre, nous pouvons mentionner, en connaissance de cause, que le T.V.F. Gundry, Grand Maître Provincial du Comté de Dorset, en Angleterre, et le V.F. J. Cope, de la Grande Loge de New York, aussitôt après les cérémonies de mardi, achetèrent des actions pour un montant important dans la nouvelle Masonic Hall Association.


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